- L'ORDRE DES OMBRES.

Il faisait nuit noire, ce samedi, à Varsovie. Nous étions la nuit de l’équinoxe d’automne et les rues de la capitale étaient désertes. Ce trente septembre 1521, pas un chat ne parcourait les pavés polis par le temps. Soudain surgit un homme vêtu de noir, tenant en sa paume, une baguette à la forme inhabituelle, légèrement courbé et faite d’un bois plus noir que l’obscurité même. Il se couvrait la moitié du visage par un tissu marron et tremblait du regard, ses yeux ne fixaient pas un point fixe, toujours aux aguets, il semblait ne pas vouloir être vu. Son souffle fort et bruyant formait une fumée blanche dans l’air frais. Il pénétra alors aussitôt dans ce qui s’apparentait à un lieu de culte.

Nous approchions les minuits et pourtant, un homme était encore là, assis sur l’un des bois de chêne. Le premier qui portait dans ses bras un énorme ouvrage, s’approcha du second, puis s’assit à ses côtés. Leurs regards ne se croisèrent pas, le plus âgé des deux, celui qui détenait l’Imperium Tenebrarum débuta. « Je l’ai avec moi, qu’attendons-nous ? » L’autre se leva alors toujours muet et étrangement serein tandis ce que l’autre, tremblotant et visiblement apeuré enchaîna. « N’avez-vous pas conscience des risques que j’ai pris pour apporter ce livre ? » L’autre se retourna alors et de ses yeux d’un bleu perçant le toisa. « Ne sois pas si pressé Archibald, tu sais bien que tout arrive lorsqu’on se montre patient. » Enigmatique et impénétrable, le jeune homme s’approchait de ce qui semblait être un autel. Il se mit à genoux et fit signe à l’autre de le rejoindre. Toujours aussi sur la défensive, il vint à lui tout en retirant son chapeau, découvrant ainsi un crane déjà dégarni. Il posa le grimoire sur la table et s’agenouilla à son tour. L’homme aux yeux azurs s’en appropria et le découvrit de sa couverture de tissu brun et s’émerveilla aussitôt de sa couverture superbement travaillée. Il semblait fasciné, tout à fait bouche-bée de ce fabuleux spectacle. Il parcourait ses pages comme un trésor et semblait connaître son contenu avant de l’avoir lu. Il chercha rapidement sa baguette dans son manteau et la prit en main tandis qu’il fit signe à son compère d’en faire de même.

Ils tendirent chacun leur bras gauche et empoignant ensemble leurs deux baguettes. C’est alors que leurs regards se croisèrent. Et soudain tout s’arrêta, ils furent comme pétrifiés. L’atmosphère devint encore un peu plus pesante et leurs souffles pouvaient être entendus. Le sorcier aux yeux azurs ne disait pas un mot mais son expression suffisait. Il se mit alors à réciter des paroles dans une langue ancienne, une langue oubliée. Le plus âgé, l’inquiet, ne semblait pas plus rassuré par les incantations de son compagnon. « Le dieu des ténèbres essuiera les larmes de nos yeux, puis dira : Je suis l'Alpha et l'Oméga, le commencement et la fin. A-moi ton enfant sacré, O infernal Seigneur, qui glorifie mon iniquité, confiant que je suis en ton infini pouvoir, qu’il te plaise que je sois ici par ta volonté. C’est toujours à travers toi que tes dons viennent à moi ; tu me confères la vigueur, la puissance et le pouvoir. » Aussi vite, les prunelles bleues de l’orateur s’obscurcirent. Un noir, le noir du néant s’était emparé du corps du jeune homme. Le démon semblait naître en lui. Soudain, sa baguette au creux de sa paume, jointe à l’avant-bras du second, se mit à émettre une brume sombre. Des filaments tout droit venus des ténèbres se propageaient le long du bras du vieillard, effrayé mais incapable de relâcher son emprise sur le corps du jeune mage. Ses ombres parvinrent très rapidement au cou de l'esclave qui suffoqua aussitôt. L’autre homme ne lui apporta pas la moindre aide et continuait son discours profane. Le visage ridée de la victime se teinta d’un rouge écarlate puis vira au violacé, puis le corps s’écroula. Tué par étranglement. Les ténèbres disparurent. Les trous noirs infini reprirent leur couleur initiale et le sorcier ferma brusquement le grimoire avant de se volatiliser, laissant pour mort son serviteur.

L’Ordre est né une bien sombre nuit, certains disent 1520, d’autres 1521, et même 1522 pour quelques-uns. Ses origines sont encore aujourd’hui bien sombres. Rares sont ceux s’intéressant au passé de cette obscure guilde. Il faut dire que l’organisation a depuis sa naissance, maniée l’art occulte avec tant d’aisance et sans une once de remord qu’on ose peu faire des recherches à son propos. Le groupuscule ne fut pendant plusieurs décennies qu’un regroupement de quelques partisans, à peine une dizaine. Pendant de longues années, ils ne se consacrèrent qu’à la création de sortilèges, incantations et potions de magie noire. Leur unique but était alors de nourrir leur faim insatiable d’art occulte. Ne cherchant qu’à explorer les plus profonds abysses d’un pouvoir mystérieux, l’Ordre se fit discret pendant plus de deux siècles. Au fil des ans, les adeptes ne s’adonnèrent qu’à une pratique modérée des arts maudits.

- europe de l'est -

L’Ordre des Ombres est une confrérie particulièrement secrète et encore entourée d’une épaisse brume de mystère. Si de nombreuses personnes connaissent aujourd’hui l’existence de cette guilde, rares sont ceux qui pourront dire qu’ils sont au courant des véritables motivations de celui-ci et quels en sont ses membres. Seules des rumeurs courent à travers les rues parisiennes et ont tendance à déclarer que l’Ordre a migré vers Paris récemment. Si personne n’a pu confirmer cela, il s’avère que les bruits de couloirs disent vrai.
Les ombres, comme se font appelés les adeptes de l’organisation sont partout. Tantôt infiltré dans la grande noblesse, tantôt simple commerçant parisien, ils se gardent bien de révéler leur identité qui leur vaudrait une arrestation et sans doute une exécution.

Le recrutement au sein de l’Ordre se veut particulièrement sélectif. Pour cette raison, les adeptes ne peuvent entrer dans la guilde par désir. En effet le seul moyen pour en être membre est de se faire repérer par l’un d’eux, qu’il soit simple membre ou même dirigeant. Néanmoins, si un membre de l’Ordre peut sembler intéresser par un sorcier, il ne peut se charger de son entrée. Chaque nouvel arrivant doit être validé par les Trois, au complet. Ainsi rares sont ceux à pouvoir intégrer cette confrérie centenaire. Néanmoins, il existe quelques jeunes sorciers motivés par les ambitions obscures de cette guilde. Pour se faire, ils ont tendance à chercher à se faire remarquer par les Ombres en provoquant des émeutes, assassinant des sorciers, répandant la terreur. Il arrive que les tentatives de ceux-ci amènent à leur entrée dans l’Ordre mais tristement trop souvent, les fauteurs de trouble ne rencontrent jamais une Ombre sous son vrai jour. Il est aussi fréquent que les sorciers cherchant le regard de l’Ordre soit assassiné car leurs actions ne sont correspondent pas à la philosophie de la confrérie qui se veut porteuse de terreur mais avant tout maître de ses partisans et plutôt discrète.

Devenir une ombre n’est pas tâche facile, loin de là. Pouvoir y prétendre requiert l’approbation des Trois. Si un quelconque partisan peut suggérer une entrée, les Trois sont seuls maîtres. Si le profil convient à leurs attentes, ils avertissent les Nuntiis. Ceux-là sont alors chargé de faire le nécessaire pour organiser la série d’épreuve –plus communément appelées tâches par les Ombres- qui détermineront si le sorcier est assez méritant pour devenir membre de l’Ordre.

- tâches -

facies mortis,
Epreuve on ne peut plus apprécié par les Ombres qui mesurent là la force du sorcier et la puissance de sa magie. Le sorcier est emmené par des partisans dans un endroit inconnu. L’environnement y est sombre, l’odeur nauséabonde mais il n’a pas le temps de prendre de repères qu’il est soudainement poussé par les deux Ombres qui l’ont amené là dans une eau sombre et glaciale. Il comprend rapidement qu’il est dans les égouts de la capitale. Jusque-là rien de palpitant, la rivière d’eaux usées s’écoule et le mage se doute qu’il devra suivre son cours pour achever la tâche. Mais l’épreuve se complique lorsque l’eau se met à vibrer et que des bulles en jaillissent. Confronté à la pire des horreurs, le sorcier doit affronter les Inferi. Ces cadavres réanimés par les Trois lors de leur installation à Paris hantent les égouts et n’ont qu’un seul objectif, tué tout vivant. Armé de sa baguette, le sorcier est obligé de s’en sortir. S’il ne parvient pas à vaincre les Inferi, il les rejoindra et reviendra à la vie lorsqu’un nouveau sorcier s’aventura dans les eaux troubles des sous-bassement parisiens.

caecos ictus,
Après avoir mis à rude épreuve le physique du sorcier, l’Ordre souhaite le voir se surpasser et user de toutes ses capacités mentales pour parvenir à la fin de cette tâche. Le prétendant au titre d’Ombre se réveille dans une pièce ne comportant qu’une fenêtre. La scène se déroule toujours au crépuscule, quand les lumières oranges, violettes et roses du ciel traversent la vitre. Le sorcier sent alors ses mains nouées dans son dos, alors qu’il est assis sur une chaise. Prisonnier, il a pour mission de se libérer de ses chaînes et de quitter la pièce. Si cela peut sembler chose facile au premier abord, avant son réveil, on a fait ingérer au sorcier une potion d’aveuglement. Son corps n’ayant absorbé que quelques gouttes du liquide, sa vision n’est alors que troublé. Tout l’environnement lui parait alors flou, de plus, il est aveuglé par les couleurs vives du dehors et doit alors se servir de ses quatre autres sens pour espérer sortir du lieu. Et ce, avant que le serpent présent dans la pièce ne s’en prenne à lui.

caedes,
Une fois le sorcier poussé dans ses retranchements et ayant prouvé toute sa valeur, vient l’épreuve considérée comme la plus facile par ceux qui sont passé par là. On dit même qu’après le Caecos Ictus traversé, le sorcier est d’ores et déjà devenu une Ombre, que le Caedes n’est que formalité. Ici le mage doit tuer. Qu’importe la personne, le prétendant doit assassiner un autre sorcier. Noble, bourgeois, roturier, il importera peu –même si la mort d’un noble impressionnera plus que celle d’un commerçant. Quelques conditions sont tout de même là pour tester de nouveau la future Ombre. Le crime doit avoir lieu en présence d’une autre Ombre qui viendra confirmer aux Nuntiis que la tâche a été effectuée en toute conformité. Autre point non-négligeable, le sorcier n’est pas autorisé à user du sortilège de la mort –jugé bien trop facile-  et doit trouver un autre moyen pour donner la mort à sa victime (poison, torture, combat à main nues…)

- serment -